Santé au travail

L’implication des Directions générales dans les plans d’action sur la santé au travail reste mitigée

Virginie Bessou, notre experte formation santé au travail nous fait un bilan de l’année écoulée en matière de santé au travail.

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Si vous deviez faire un bilan de cette année écoulée, lequel  serait-il ?

Même si le sujet de la santé devient l’une des préoccupations des entreprises et en particulier celles de plus de 1000 salariés, force est de constater, lorsque je rencontre les Directions Générales, qu’elles ont encore du mal à percevoir la réalité des risques pour leur entreprise, voire même, à être très précises sur leur volonté d’implication sur cette problématique.
 
Ce qui est encore plus curieux, c’est lorsqu’à la demande d’un DRH (souvent parfaitement conscient de l’importance d’anticiper sur ce sujet) vous êtes sollicités pour construire une formation santé au travail à destination des managers  et  que la Direction Générale vous peint, avec un engouement certain, un tableau idyllique de son entreprise et de ses managers. Comme si soudain, elle était devenue « myope »  cherchant à relativiser un investissement dont la priorité (compte tenu du contexte) semble lui échapper.
 

Mais est-ce une forme de déni?

Notre experte en formation santé au travail poursuit : « Cela va plus loin que cela,  c’est comme si soudain accepter de dire que dans son entreprise il y a de la souffrance était comme faire l’aveu de son incompétence à diriger. J’interpellais dernièrement lors des journées parlementaires, les représentants du gouvernement sur ce sujet leur demandant plus de pédagogie et en particulier à destination des dirigeants. Est-ce que vous savez que c’est seulement depuis la rentrée de 2012 que deux grandes écoles GRENOBLE EM et les Arts et Métiers Paris tech, ont été sélectionnées pour mettre en place une formation santé au travail pilote à la prévention des RPS pour nos futurs cadres. On ne peut donc pas forcément parler de déni mais plus d’absence d’informations, de formations et de repères. C’est aussi peut-être parfois cette peur d’avouer qu’il peut y avoir des faiblesses dans le système de gouvernance. De la même manière que pour les managers, est-il facile pour les dirigeants d’accepter de se remettre en question ? »
 

Quels impacts cela a-t-il sur votre travail de consultant ?

Notre consultante en formation santé au travail souligne la difficulté parfois de positionnement : « Nous sommes du coup en permanence dans un positionnement très compliqué  entre des injonctions des directions, les demandes des RH, un positionnement souvent tronqué des représentations syndicales. Nous marchons donc « sur des œufs » et en particulier lorsque nous intervenons sur des diagnostics qui peuvent être des « bombes à retardement » s’ils sont mal gérés et la qualité du commanditaire : une Direction Générale par exemple ou un CHSCT. Le risque est de se faire « instrumentaliser » et de perdre notre fonction première : d’objectivité, de regard extérieur d’experts en formation santé au travail et de latitude de dire tout haut, ce que les autres pensent souvent tout bas… »
 

Cela a-t-il des impacts sur les formations ?

 « Oui, car cette distanciation ne permet pas d’investir par exemple le temps de formation nécessaire à ces sujets de santé. Nous avons encore trop souvent des demandes de formations santé au travail de 2 H, devant intégrer des objectifs que nous avions l’habitude de traiter en 1 Journée  au minimum. Cette demande ne peut être recevable que sous la condition qu’elle s’inscrit dans un cursus plus long, séquencé et annoncé aux collaborateurs. C’est un véritable problème de fond auquel nous nous heurtons, car le marché est tellement « juteux » que certains  y répondent favorablement. Il me semble que la profession doit avoir une ligne de conduite et une éthique sur ces sujets. Il est important de respecter les collaborateurs qui vont être formés et faire prendre conscience aux Directions, que le sujet de la formation santé au travail  ne « se survole » pas et ne peut être traité sur de si courtes durées.
Si nous, en tant qu’expert en formation santé au travail,  avons besoin de temps pour mettre le système en mouvement, les participants ont aussi un fort besoin de s’exprimer sur ces sujets de santé au travail. Que voulez- vous faire en 2 heures ? »
 

Pensez-vous que cela va changer dans les années à venir ?

« Lorsque les Directions acceptent de jouer le jeu dans la phase de préparation, voire même acceptent d’être présentes dans les pilotes,  elles changent souvent de positionnement.  C’est le moment où elles se confrontent aux réalités de leurs collaborateurs qui témoignent avec leurs mots, leurs émotions de situations souvent difficiles et de souffrance. Et même si elles en avaient connaissance à postériori,  ces situations prennent ainsi toute leur dimension psychologique et sociale. En tant qu’experte en formation santé au travail, je pense que plus nos dirigeants seront eux aussi formés à prendre en compte la qualité de vie au travail comme un facteur de performance, plus ils s’en seront approprié les contours, les enjeux, et moins effectivement nous rencontrerons ce genre de difficulté.

Certains de nos clients ont accepté de jouer cette carte, avec nous. Nous leur avons laissé le temps de mûrir, de réfléchir ensemble et se sont eux aujourd’hui qui nous en redemandent : groupes de parole, conférences, atelier, « bulles de respiration» parce qu’ils ont compris que nous en sommes encore aux balbutiements. Il n’est pas utile de se précipiter. Pour nous, expert en formation santé au travail chez Demos,  l’essentiel est de construire en  marchant les fondements d’une approche professionnelle, éthique et surtout qui a des effets sur du long terme : « rien ne sert de courir, il faut partir à point ! » »