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CE et formation : que change la loi Rebsamen ?

​​​Quand et comment consulter les représentants du personnel sur la formation ? Avec la loi Rebsamen du 17 août 2015, tout change en 2016. Le temps d’un plan de formation normé et calibré n’est plus. La politique de formation est présentée aux représentants du personnel en lien étroit avec la stratégie de l’entreprise. C’est la compétence qui fait maintenant l’objet de toutes les attentions. L’entreprise dispose certes de plus amples libertés sur la forme et sur le fond. Mais l’exigence de cohérence est d’autant plus élevée. Décryptage fouillé et argumenté par Jean-Pierre Willems, expert formation de Demos.

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La formation n’est plus un périmètre exclusif au sein des instances du dialogue social. Depuis le 1er janvier 2016, en effet, l’information et les consultations du comité d’entreprise changent du tout au tout :
— 3 grandes consultations (stratégie, politique sociale, situation économique) remplacent les 17 consultations particulières,
— La consultation sur la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) et la formation est entièrement intégrée au volet « stratégie »,
— Le programme pluriannuel de formation, les actions de prévention et de formation, ainsi que l’apprentissage font partie des thèmes de « politique sociale »,
— La base de données économiques et sociales (BDES) sert de support aux trois consultations. Elle intègre les investissements formation de l’entreprise et les publics concernés.
 

Un calendrier entièrement libre… à fixer dès aujourd’hui

 
Les deux temps forts qui ponctuaient la vie du service formation disparaissent. Le passage obligé de la présentation au comité d’entreprise pour l’exécution du plan de formation de l’année précédente, en septembre, n’existe plus. Tout comme la consultation sur l’année à venir, en décembre. Désormais la formation est un sujet parmi d’autres qui est présenté en même temps que les effectifs, la rémunération, le temps de travail…
 
Si l’entreprise peut fixer librement les dates des trois nouvelles consultations du comité d’entreprise (stratégie, politique sociale, situation économique), le choix de l’ordre est crucial. L’esprit est moins de passer en revue les moyens que de présenter une stratégie et d’en évaluer les impacts.
 
Qui plus est, le calendrier des consultations doit s’articuler avec les négociations obligatoires (pour les entreprises de plus de 300 salariés) dorénavant au nombre de trois : deux négociations annuelles et une tous les trois ans sur la GPEC. Auparavant, les thèmes imposés en matière de négociation pouvaient donner lieu jusqu’à 7 rendez-vous par an.
 
La fin du calendrier imposé donne plus de marge de manœuvre. Notamment pour s’intégrer avec fluidité aux cycles d’activité de l’entreprise, ou encore à l’exercice comptable si celui-ci n’est pas basé sur l’année civile. 
 
Le comité d’entreprise doit cependant être consulté sur le calendrier de travail à venir. Et comme il ne reste plus que trois mois avant le début de l’année 2016, le temps est compté pour instaurer un calendrier de préférence cohérent. 
 
À noter : le rythme de «trois consultations annuelles + deux négociations annuelles + une négociation triennale» est le minimum obligatoire sur les thématiques fixées par la loi. La vie de l’entreprise peut nécessiter d’en organiser plus fréquemment.
 

Investissements formation : le périmètre est à définir par l’entreprise

 
Le contenu des consultations du comité d’entreprise sur la formation était jusqu’alors très cadré, avec une liste précise de documents à préparer et à communiquer (déclaration fiscale 2483, plan de formation avec classification des actions de formation…).
 
Depuis le 5 mars 2015, le plan de formation a laissé la place aux investissements formation, terme qui désigne : 
  • Le budget achats : actions de formation, mais aussi toutes les actions de professionnalisation et de développement des compétences (coaching, colloques, analyse de pratiques…),
  • Les moyens internes mobilisés,
  • ​Le temps consacré aux actions de professionnalisation,
  • Les apports externes de l’Opca (organisme paritaire de collecte agréé) : fonds mutualisés, périodes de professionnalisation…
 
Avec la nouvelle loi, chaque investissement formation doit faire la preuve de sa valeur ajoutée. L’effort de formation de l’entreprise n’est plus simplement la somme des journées de stages consommés et minutieusement comptabilisés. 
 
La seule inconnue en termes d’information minimale à transmettre au comité d’entreprise est le contenu précis qui doit être inscrit dans la base de données économiques et sociale. Un décret d’application de la loi du 5 mars 2014 est attendu sur le sujet avant la fin de l’année (article L. 2323-8 du Code du travail consolidé au 1er janvier 2016).
 

Repositionnement de la formation en lien direct avec la stratégie de l’entreprise

 
La présentation de la politique de formation est maintenant incluse dans celle portant sur la stratégie de l’entreprise (orientations stratégiques, conséquences sur l’activité, GPEC…). Cela en fait une véritable politique d’accompagnement des projets stratégiques. La formation est plus que jamais un moyen pour décliner les objectifs fixés.
 
La loi Rebsamen entérine la direction donnée par la loi du 5 mars 2014 réformant la fonction formation. L’approche fiscale et budgétaire de la formation est balayée au profit d’une posture d’accompagnement des évolutions de l’entreprise. C’était déjà le cas dans certaines entreprises. Cela devient la norme légale.
 
Les interactions avec la direction générale et les autres pôles de décision de l’entreprise (finances, directions opérationnelles, DSI…) sont plus que jamais indispensables. Elles visent à élaborer et partager la vision de l’entreprise de demain, puis à déployer toutes les actions qui permettent de faire évoluer les compétences. Cette amélioration continue des ressources internes devient un pilier aussi stratégique que de disposer d’un département recherche et développement innovant ou de forces commerciales performantes.
 

Relations RH /représentants du personnel : une nouvelle ère

 
La loi Rebsamen revisite entièrement la façon de travailler avec les représentants du personnel. Le recentrage des obligations de l’entreprise — consultation du comité d’entreprise et négociations obligatoires — suppose un plus fort niveau d’investissement, tant en temps qu’en expertise.
 
C’est vrai pour le responsable formation qui voit son rôle structurel disparaître. Il n’est plus le porte-parole tout désigné pour présenter la stratégie formation aux représentants du personnel dans la mesure où l’accompagnement du développement des compétences se fond au milieu d’autres sujets. S’il ne s’empare pas du sujet du développement de compétences, il ne trouvera de fait plus sa place au sein de la fonction ressources humaines. Le périmètre de la formation au sens large s’agrandit. Mais au sens strict, le pré carré de la formation comme entendu depuis 40 ans, lui, n’existe plus.
 
Avec des rendez-vous moins nombreux, mais plus stratégiques, les représentants du personnel auront intérêt à maîtriser les dossiers de manière transversale. Le virage est clairement pris en faveur d’une professionnalisation de la fonction de représentant du personnel. Et ce d’autant plus depuis que les entreprises de 50 à 300 salariés fusionnent les instances de délégués du personnel, comité d’entreprise et le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).
 
En conclusion, l’objectif posé par la loi Rebsamen est de rationaliser le dialogue social. Si l’allègement en terme de moyens est clairement lisible (moins de rendez-vous obligés, moins de personnes mobilisées…), il serait erroné de penser qu’il s’agit d’une simplification. Pour les représentants de l’entreprise comme pour les représentants du personnel, le fait de centrer les échanges à venir sur la stratégie nécessite un fort investissement. L’entreprise doit faire la preuve de la cohérence de ses choix. Les représentants du personnel, eux, doivent démontrer leur capacité à influer avec pertinence sur ces derniers. La liberté de s’organiser à sa guise peut laisser place à un sentiment d’insécurité s’il n’est pas sous-tendu par des décisions affirmées.
 
Pour la fonction formation, le système posé par la loi Rebsamen d’un côté et la loi du 5 mars 2014 de l’autre peut être appréhendé de deux manières :
 
• comme un risque de voir disparaître le service formation s’il reste cantonné à des missions d’administration et de gestion, ou 
• comme l’opportunité d’être un véritable levier au service du développement de compétences de l’entreprise. 
 
Menace ou tremplin… c’est une question de recul et de regard. 
 
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