RH

Le parcours d’intégration vs le parcours de compétences

Second opus de notre nouvelle série intitulée Former versus Recruter, ce billet confronte le parcours d’intégration avec le parcours de compétences au travers d’exemples concrets. Après avoir traité de l’importance de la formation interne face au recrutement, arrêtons-nous sur les différences entre les actions de formation ajustées au nouvel entrant et celles se déroulant tout au long de sa vie dans l’organisation.

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La réussite d’un recrutement dépend à 50% de la période d’intégration. Quelle que soit la taille de l’entreprise, le nouvel arrivant est donc souvent amené à suivre un parcours d’intégration (ou « onboarding ») plus ou moins important. Cet accompagnement peut se présenter sous la forme d’un programme d’accueil au cours duquel l’entreprise lui sera présentée, voire sous forme d’un séminaire d’intégration. Lors de sa prise de poste, le collaborateur peut aussi faire l’objet d’un onboarding plus poussé, afin d’être formé de façon spécifique au poste qu’il va occuper, ou de s’adapter à son nouveau poste s’il était déjà présent dans l’entreprise. Parfois aussi, afin de veiller à sa bonne intégration, la nouvelle recrue peut bénéficier d’entretiens de suivi tout au long de sa période d’essai. La Société Générale, par exemple, propose à chaque nouvelle recrue un programme dit « Starting » d’une durée de 12 à 18 mois, durant lequel il est accompagné par son manager, son gestionnaire Ressources Humaines et un collaborateur référent. De son côté, l’Oréal a mis en place « L’Oréal FIT » (Follow Up and IntegrationTrack), un programme d’intégration se déclinant en six opportunités de formations, qui se veulent « personnalisées ».

Toutefois, si au sein des grandes structures un coach ou un mentor peut être mobilisé pour assurer la bonne intégration du nouvel arrivant, les sociétés plus modestes utilisent le plus souvent un « parrain », désigné parmi ses collègues, qui est chargé de sa formation de la présentation du poste, de façon plus ou moins suivie selon le temps dont dispose ce dernier en plus de ses tâches quotidiennes. Selon l’observatoire SIRH, 80% des entreprises interrogées déclarent avoir mis en place un programme d’accueil et d’intégration, mais une majorité écrasante (79%) le juge « perfectible », voire « médiocre ». Lorsque ce programme n’existe pas, la formation se déroule alors « sur le tas », le nouvel employé devant faire lui-même son apprentissage, appréhender son poste tout seul, et être opérationnel le plus rapidement possible. Pas vraiment un cadeau pour lui, pourrait-on penser… mais peut-être une chance à plus long terme.

En effet, l’onboarding doit être une préoccupation majeure pour les Directeurs des Ressources Humaines, leur permettant de maîtriser la prise de poste et l’intégration d’un nouveau collaborateur et ainsi d’assurer leur retour sur investissement et éviter le turnover. A cette occasion lui sont ainsi inculqués la culture des valeurs de la société, le discours « maison » à intégrer, voire les bonnes façons de penser pour être « corporate » en toutes circonstances… Cette démarche de coaching, qui ne laisse rien au hasard, est donc bien plus qu’une démarche d’accompagnement. Efficace à court terme pour le bon déroulement de l’activité de la société, cette vision utilitariste fournit donc au salarié les outils nécessaires à la bonne exécution de ses différentes tâches, mais par forcément ceux lui permettant de faire face aux évolutions à plus long terme de son entreprise… ou d’une autre !

Le parcours de compétences : tout au long de la vie ?

Afin de renforcer l’efficacité de chacun des membres de ses équipes quelle que soit leur ancienneté, et ainsi anticiper l’avenir, l’entreprise peut aussi élaborer avec eux un parcours de compétences. Un système qui se veut gagnant-gagnant : le salarié développe ses compétences de façon continue, en cohérence avec l’évolution de l’entreprise et de ses besoins. Ce procédé de co-développement des employés a donc pour principale vertu de fidéliser les talents, mais aussi d’optimiser l’employabilité des salariés s’ils quittaient malgré tout la société. Le groupe Johnson & Johnson, spécialisé dans la santé, a ainsi mis en place en 2007 et 2008 une formation intitulée « Soyez acteur de votre développement », axée sur la construction et le contenu du plan de développement individuel. Elle a permis à 1120 salariés, durant 82 séances, de gagner du temps sur leur entretien annuel, mais aussi de se projeter à 3 et 5 ans. En 2009 et 2010, elle fut complétée par une formation réservée aux managers, le « centre de développement M2dev », qui en 10 sessions étalées sur 6 mois a formé 80 managers. Lorsqu’elle est menée à bien, la démarche permet donc de concilier les besoins macro et les aspirations individuelles.

Mais la mise en place d’un tel parcours varie énormément selon l’entreprise, et notamment selon ce qu’elle entend par « compétence ». Ce concept, en lui-même assez flou, est souvent directement lié à l’aptitude à réaliser un ensemble de tâches, selon des objectifs précis à atteindre. Le groupe Roland Berger, spécialisé dans le conseil, a lui opté pour la mise en place de « Centre de compétences et de métiers », organisé sous forme de réunions régulières, qui permet à ses consultants et collaborateurs de se spécialiser dans le secteur de leur choix. Une solution appréciée par les étudiants en université, qui ont classé le cabinet de conseil à la cinquième position des entreprises garantissant le mieux l’accès à l’apprentissage et au développement professionnel », selon une récente enquête menée par Universum. La production de cette activité s’appuie sur des ressources, et le parcours de compétences consiste le plus souvent à s’assurer de la capacité du salarié à mobiliser de façon efficiente ces ressources. Elle lui permet de renforcer la confiance en soi, de lui faire reconnaître qu’il a tout à fait le droit  de faire des erreurs… Bref : le faire gagner en autonomie, tout en lui offrant un peu de recul sur son parcours professionnel au sein de son entreprise actuelle et ailleurs.

Cette solution, qui est censée offrir à chacun la possibilité d’affirmer sa personnalité, s’éloigne-t-elle donc tant que cela du formatage pouvant découler des parcours d’intégration ? Pas si sûr, car de manière générale, même dans les parcours de compétences, les process d’accès aux postes restent souvent très formalisés : une sorte d’onboarding dans la filière.

La co-construction de la formation

Les parcours d’intégration et les parcours de formation n’ont par conséquent pas toujours le même degré d’importance tant au sein de la fonction Ressources Humaines qu’au sein de l’entreprise. Néanmoins, beaucoup d’entreprises ont encore une visibilité limitée sur les évolutions de leur environnement métier, et donc sur celles de leur propre activité sur le long terme. Rares sont donc les entreprises ayant une vision précise de leurs besoins de compétences dans les 5 à 10 ans, d’où une approche de juste-à-temps des compétences, débouchant sur des actions de formation trop ponctuelles.

Quel que soit leur degré de visibilité, les responsables Ressources Humaines et les dirigeants d’entreprise ont cependant tout à gagner à élaborer une formation en concertation directe avec les employés, une forme de parcours de compétences collaboratif qui soit intelligent, proactif et capable d’anticiper sur le long terme. Afin d’identifier et de mobiliser pleinement les qualités et talents, pas forcément tous visibles ou suffisamment exploités, de l’ensemble de leur effectif, elles ont donc tout intérêt à sortir le plus possible de la logique administrative des compétences, afin d’entrer pleinement dans une dynamique constructive, et même plutôt co-constructive.

Que ce soit dans le cadre de parcours d’intégration ou de compétences,  les acteurs de la fonction Ressources Humaines semblent ouverts au changement, ou sont du moins nimbés de bonnes intentions dans le domaine. Selon le baromètre international RH 2013 et opportunités de formation, 92 % des entreprises françaises prévoient ainsi de prendre des mesures favorisant la rétention des employés. Plus concrètement, 54 à 55% comptent mettre en place des actions de formation et de développement, qui porteront principalement sur les compétences spécialisées. La nécessité de former le collaborateur tout au long de sa vie dans l’entreprise est donc déjà dans les esprits, reste maintenant à la concrétiser davantage, en utilisant efficacement, et en toute connaissance de cause, les potentiels de chacun. Anticiper les évolutions futures pour mieux les accompagner, et innover pour convaincre.