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Pourquoi développer le DIF dans les politiques de formation ?

Sept ans après sa création, le DIF demeure une modalité d’accès à la formation que les entreprises ont du mal à s’approprier. Perçu comme un droit du salarié que l’entreprise peut refuser, il n’est que trop rarement conçu positivement comme un outil de management de la formation. Pourtant le DIF peut permettre à l’entreprise de poursuivre quatre objectifs différents selon que l’on insiste sur sa dimension juridique, pédagogique, économique ou managériale.

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Le DIF : une négociation individuelle obligatoire

Juridiquement, le DIF est conçu comme une négociation, sur le modèle de la négociation collective.  Ainsi le DIF comporte :
– Une obligation annuelle d’information du salarié sur ses droits (C. Trav., art. L. 6323-7) et du comité d’entreprise sur la politique de l’entreprise (C. trav., art. L. 2323-37) ;
– Un droit d’initiative du salarié (C. trav., art. L. 6323-9), comme les organisations syndicales ont un droit d’initiative en matière de négociation collective si l’employeur est passif ;
– Un calendrier de négociation puisque toute demande d’un salarié doit trouver une réponse dans un délai maximum d’un mois (C. trav., art. L. 6323-10) et que le DIF fait partie des thèmes qui doivent être abordés lors de l’entretien professionnel (ANI du 5 décembre 2003);
– Une absence d’obligation de se mettre d’accord, le DIF n’étant pas un droit de consommation mais un crédit dont l’usage doit être négocié. A défaut d’accord, la loi prévoit un mécanisme de recours externe auprès d’un OPACIF ou bien la préservation du droit dans le cadre de la portabilité.

Le DIF, processus de négociation individuelle sur l’accès à la formation, est donc construit à l’identique d’une obligation de négociation. S’il n’est pas possible de substituer une négociation collective à la négociation individuelle sur l’utilisation du DIF, il y a un intérêt certain, d’autant plus que le nombre de salariés est important, à encadrer les négociations individuelles par une négociation collective qui donnera une légitimité à la politique DIF de l’entreprise mais également aux processus de prise de décision et de conduite des négociations individuelles : entretien professionnel, campagne DIF, procédures de demande, information sur les formations éligibles, etc. Ainsi, quelques grandes entreprises ont conclu après la loi du 4 mai 2004 des accords sur la formation dont l’objet est de « flécher » l’articulation entre le DIF et le plan de formation et de mettre en place des modalités de gestion du DIF.
Donner une légitimité par la négociation collective aux priorités et pratiques de gestion du DIF permet d’une part de faire des économies d’échelle dans la gestion de ce moyen d’accès à la formation et d’autre part de structurer les négociations individuelles en conservant suffisamment d’homogénéité au DIF pour qu’il ne perde pas son sens à travers un « mini-CIF » qui s’inscrirait exclusivement dans une logique de consommation personnelle.

Le DIF : un outil d’implication pédagogique

Le DIF favorise l’implication du salarié dans la formation. Il vise à briser la dichotomie entre l’entreprise cliente et le salarié consommateur qui peut parfois placer le formateur en situation d’avoir du mal à identifier quel besoin il doit satisfaire : celui du commanditaire ou celui du participant. Le DIF est à la fois le moyen d’avoir une cohérence d’objectifs mais également une implication plus forte du salarié dans la formation à partir du moment où il a participé au choix. Quel intérêt, et quelle possibilité d’ailleurs, de former quelqu’un qui ne le souhaite ou ne désire pas ?

A ce titre, le DIF peut être un outil qui permet de rehausser le niveau d’attente des participants à la formation et de les rendre plus actifs. Il se marie bien sur ce point avec le développement de pédagogies actives et notamment avec le e-learning. Sur ce plan, le DIF est un outil de développement de l’efficacité des formations.

La dimension économique du DIF

La dimension économique du DIF peut être appréhendée à trois niveaux :

Celui des financements disponibles au sein des OPCA pour son financement ;

La montée en charge des demandes de financement des entreprises, la progression des dispositifs, la mise en place du FSPP…autant de facteurs qui ont contribué en 2010 à ce que moins de financements soient disponibles pour le DIF dans les OPCA. En 2011, il ne sera donc plus possible pour les entreprises qui ont basé le développement de leur politique DIF sur le financement par l’OPCA de poursuivre dans cette voie. Les entreprises devront s’habituer à ne pas financer majoritairement le DIF avec des crédits spécifiques DIF mais en travaillant plutôt sur l’adéquation entre les objectifs de la politique DIF et les objectifs affectés aux financements paritaires (périodes de professionnalisation, fonds mutualisés, utilisation des fonds du plan, etc.).

Celui de l’internalisation du financement du DIF ;

La poursuite du développement du DIF passe par des solutions financières qui ne pourront se trouver au niveau des OPCA mais dans l’entreprise et notamment un transfert des moyens consacrés au plan de formation vers le DIF. Cette répartition nouvelle doit conduire l’entreprise à s’interroger sur la clé de répartition entre DIF et Plan. Projets partagés d’un côté, projets prescrits ou déployés par l’entreprise de l’autre. Et la progression du DIF au détriment du plan ne pourra se faire qu’après une discussion, voire une négociation, avec les partenaires sociaux avant de faire dans ce domaine des propositions aux salariés.

L’internalisation du financement du DIF passe également par la structuration d’une offre de formation et par la construction de réponses collectives, financièrement moins coûteuses, à des besoins individuels. Cela suppose peut être de ne plus gérer le DIF « au fil de l’eau » sans visibilité et au coup par coup, mais en organisant des campagnes DIF, en développant la communication sur les choix possibles et en clarifiant les objectifs poursuivis.

Celui du provisionnement :

Il demeure dans la loi de novembre 2009 une référence au possible provisionnement du DIF. Cette crainte, puisque le potentiel de risque s’établit à 15 milliards d’euros environ sur la base d’une valorisation des compteurs à 9,15 euros, constitue la mauvaise motivation qui pourrait être utilisée pour développer le DIF. Quel sens donner en effet à une politique qui n’aurait pour finalité que de vider des compteurs…qui par ailleurs se réalimenteraient immédiatement. Une telle approche réductrice a d’autant moins de sens que l’on ne voit guère aujourd’hui sur quelle logique et selon quelles modalités il pourrait y avoir provisionnement. A une logique négative, faire face à un éventuel risque financier, on peut préférer une logique positive articulée sur la nature des projets que le DIF permet d’atteindre.

Un DIF managérial

Le DIF est un dispositif basé sur le dialogue et qui vise à favoriser la prise d’autonomie des acteurs sur la formation. Il s’agit pour certaines organisations d’une révolution culturelle : créer les conditions d’une appropriation par le salarié du diagnostic sur ses compétences et lui permettre d’accéder à la formation, si tel n’était pas le cas, constituent des évolutions remarquables.
Le DIF est ainsi pour certaines entreprises un filtre de la motivation du salarié : pourquoi engager un projet de formation si le salarié n’est pas prêt à utiliser son DIF ? Pour quel projet souhaite-t-il le conserver et l’utiliser ? Quelles sont ses attentes ? Ses objectifs ? Que peut lui proposer l’entreprise ?
Ainsi, l’on voit se déplacer le dialogue entre l’entreprise et le salarié. Il ne porte plus sur la modalité (DIF ou Plan ou CIF), ni sur le moyen (Formation) mais sur le projet que celle-ci permet de réaliser. Soit un détour par le DIF pour en revenir à l’essentiel.