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L’ordonnance portant réforme du droit des contrats

L’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, est entrée en vigueur le 1er octobre 2016. Les règles légales jusqu’alors applicables n’avaient pas été modifiées depuis 1804 et ne devaient leur modernité qu’à une jurisprudence abondante… mais aussi incertaine et complexe ; ce qui contribuait à pénaliser l’application du droit français à l’international. Notre experte en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq, vous rappelle les principaux objectifs de cette réforme et vous en présente les principales nouveautés.
 
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​Les objectifs poursuivis par la réforme

L’ordonnance du 10 février 2016 s’applique, sauf exceptions, aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016. Attendue de longue date par les praticiens, son but est : « (…) de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, et de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme ». [1]
La sécurité juridique
La recherche de la sécurité juridique était l’un des objectifs premier de la réforme et un moyen d’atteindre les autres.
Elle est l’aboutissement d’un droit devenu plus lisible, plus accessible, plus clair : les règles applicables, jusque-là de sources multiples (légales, jurisprudentielles,…) sont codifiées en une source unique de droit et organisées selon un plan repensé de manière chronologique, le verbe est simplifié et modernisé, les notions les plus complexes supprimées.
L’attractivité du droit français
Le second objectif était de « rendre au droit français son attractivité au plan économique, social et culturel » sur la scène internationale.
Dans cette logique, l’ordonnance supprime la notion de cause, difficile à appréhender et inconnue de nombreux droits étrangers ; elle précise et simplifie certains dispositifs –cession de contrats,…-, innove – actions interrogatoires,…-, multiplie les moyens pour éviter le contentieux ou tout au moins le recours au juge –résolution unilatérale, réduction du prix…-
Sans renoncer aux solutions équilibrées et protectrices des parties, un nouveau « cadre juridique clair, efficace et adapté aux enjeux d’une économie mondialisée et en perpétuelle évolution » [1] est créé.

Une codification essentiellement à droit constant

Reprenant une jurisprudence abondante, l’ordonnance effectue une codification essentiellement à droit constant et consacre de nombreuses pratiques contractuelles.
Un cadre de références
Les nouvelles dispositions du Code civil relatives au contrat débutent avec un chapitre de « dispositions liminaires » qui comprennent notamment des lignes directrices destinées à servir de cadre de références aux parties, à faciliter l’interprétation des règles applicables et à trouver un équilibre entre justice contractuelle et autonomie de la volonté. On y retrouve les principes bien connus de :
bonne foi (officiellement consacré dès les négociations) ;
liberté contractuelle (jusque-là absent des articles du code) ;
force obligatoire du contrat.
Les dispositions issues de la jurisprudence
De nombreuses règles issues de la jurisprudence figurent désormais dans le code civil et notamment celles relatives :
– aux pourparlers (et le refus de compenser, même en cas de rupture abusive, « les avantages attendus du contrat non conclu », y compris la perte de chance de réaliser ces gains, issu de la jurisprudence Manoukian) ;
– à la résolution unilatérale (l’ordonnance ajoutant cependant à la jurisprudence Tocqueville la nécessité d’offrir préalablement à son cocontractant un délai raisonnable pour s’amender) ;
– à la possibilité de réputer non écrites certaines clauses limitatives de responsabilité quand elles contredisent une obligation essentielle du débiteur (l’arrêt Chronopost reposant auparavant sur la « cause ») ;
– aux promesses unilatérales. En revanche, si leur définition et fonctionnement sont consacrés, le texte prend le contrepied de l’arrêt Consorts Cruz quant aux sanctions : « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche (plus) la formation du contrat promis » ;
– etc.
Enfin, une sous-section est dorénavant consacrée à « l’offre et l’acceptation », dont le fonctionnement était jusque-là uniquement régi par des positions jurisprudentielles… et leur hésitation ! Le nouveau texte prend parti sur le moment de la formation du contrat, en consacrant la théorie de la réception de l’acceptation, offrant ainsi une plus grande sécurité juridique.

Les principales nouveautés de l’ordonnance

De nombreux ajouts
En sus de ces consécrations, l’ordonnance comprend également de véritables innovations :
– instauration d’une obligation générale d’information en amont du contrat, indépendante et distincte de la réticence dolosive ;
– Sanction de l’abus de dépendance par assimilation à la violence (sous des conditions strictement définies) ;
– Création d’une suspension d’exécution par anticipation ;
– Introduction d’un mécanisme de sanction des clauses abusives dans les contrats d’adhésion ;
– Création d’actions interrogatoires, applicables à tous les contrats quelle que soit leur date de conclusion :
  • En faveur de tiers quant à l’existence et l’intention de se prévaloir de pactes de préférences ou sur l’étendue des pouvoirs conférés à un représentant ;
  • En faveur des parties au contrat en présence d’un contrat frappé de nullité relative si la cause de la nullité a cessé (volonté de s’en prévaloir ou de confirmer le contrat).
-Etc.
Une rupture importante
L’une des innovations les plus importantes de l’ordonnance, qui rompt sur ce point avec notre droit positif, est l’admission en droit des contrats de la théorie de l’imprévision.
Le nouvel article 1195 C.civ., en reconnaissant, sous conditions, la possibilité d’intervention du juge dans le contrat remet en cause la règle « d’intangibilité des conventions », constante depuis l’arrêt Canal de Craponne de 1876.
A noter cependant qu’il existait déjà des dérogations à ce principe hors du code civil et que la France était l’un des derniers pays d’Europe à ne pas reconnaître cette théorie ; que les parties sont, au demeurant, libres d’écarter, cet article ne revêtant qu’un caractère supplétif.
L’ordonnance du 10 février 2016 rend le droit des contrats accessible à un public non professionnel, et sécurise les praticiens. Par ailleurs, l’intégration de nombreux mécanismes en droit des contrats mais aussi en droit des obligations (cession de contrats,…) et en droit de la preuve (force probante de la « copie fiable) devrait permettre à notre droit modernisé d’être plus dynamique et plus efficace. Ce phénomène devrait par ailleurs être renforcé par la dernière étape de la modernisation du droit des obligations : la réforme du droit de la responsabilité civile, actuellement en cours de discussion.​
[1] Rapport au Président relatif à l’ordonnance 2016-131​