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Lutte contre le burn out : adoption d’un rapport parlementaire

D’après une étude menée en 2014 par le cabinet Technologia, 3,2 millions de salariés français présenteraient un risque de burn out, soit plus de 12% de la population active.
La difficulté principale, lorsque l’on parle « d’épuisement professionnel », est qu’il n’existe pas de définition consensuelle de celui-ci, bien que l’on en connaisse les principaux effets. Le burn out résulte d’une multiplicité de facteurs rendant difficile son appréhension.

Comment lutter contre ce phénomène et faciliter se reconnaissance comme maladie professionnelle ?

Ce sont les questions auxquelles une mission parlementaire a tenté de répondre, à travers 27 propositions présentées à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, le 15 février 2017. Notre experte en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq, revient avec vous sur ce rapport. 

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​I. Etat des lieux et mesures de prévention générale

A. Connaître la situation
Les cas reconnus de burn out en France sont très faibles, de sorte qu’il est difficile de mesurer ce phénomène. Deux propositions préconisent ainsi le développement d’outils statistiques permettant de mesurer les suicides (amélioration des certificats de décès) et les arrêts de travail (codage permettant une vision quantitative et territoriale) liés à la souffrance au travail.
B. Comprendre l’épuisement professionnel
Afin de lutter contre le burn out, il est important de comprendre les maladies psychiques pouvant être liées au travail. Dans cette perspective, il est proposé de mettre en place un site internet et une application associée à destination des professionnels et du grand public :
• qui faciliterait cette compréhension et les modalités de prise en charge de ces maladies ;
• qui permettrait de trouver les coordonnées du service de santé au travail ou d’un centre de consultation ;
• où il serait possible de consulter des outils de prévention, lisibles et opérationnels (élaboré par différentes agences et instituts de santé).
C. Disposer d’un centre de références
La gestion publique de l’épuisement professionnel étant aujourd’hui éclatée entre différents ministères et agences, le rapport propose la mise en place d’un centre national de référence sur la santé psychique au travail. Celui-ci serait notamment chargé :
– de développer la veille sanitaire, l’épidémiologie et la prévention ;
– d’élaborer un questionnaire qui servirait d’outil d’évaluation et de préventions aux médecins, à l’image du « Copenhagen Burnout Inventory ».
En lien avec ce centre, le maillage du territoire devrait être renforcé par un réseau de consultations multidisciplinaires consacrées à la souffrance au travail.

II. Dans l’entreprise

A. L’évaluation des risques
Au cœur de l’entreprise, la mission parlementaire relève qu’il faudrait :
– permettre aux représentants du personnel d’exercer leur droit d’alerte pour demander la mise en œuvre de la procédure d’évaluation des risques, ainsi que son actualisation ;
– intégrer la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans le champ de la négociation annuelle obligatoire ;
– favoriser la mise en place d’un réseau de salariés et représentants de salariés formés à la vigilance contre les risques psychosociaux ;
– améliorer l’information sur les modes de reconnaissance et de réparation des risques professionnels –tant pour les salariés privés que les agents publics ; ainsi que leurs représentants- ;
élaborer des outils et d’un guide pratique d’évaluation des risques comportant des modèles types de document unique (le processus actuel d’évaluation des risques et de transcription des actions dans le document unique est trop compliqué dans de nombreuses petites entreprises).
B. Droit à la déconnexion
Le rapport consacre également deux propositions au droit à la déconnexion qu’il propose d’améliorer grâce au soutien du service de la santé au travail :
– dont l’expertise bénéficierait à la négociation collective ;
– qui devrait rendre un avis obligatoire sur le projet d’accord d’entreprise ou de charte organisant l’exercice du droit à la déconnexion.
C. Formation
La formation, comme outil de lutte contre le burn out, tient une place importante dans le rapport, notamment pour les futurs managers :
– en intégrant un module sur la connaissance et la prévention des RPS et la prise en compte de la santé physique et mentale au travail dans la stratégie de l’entreprise de manière systématique (lors de leur formation initiale puis complétée au moment de la prise en charge effective de leurs fonctions) ;
– par la réalisation de stage d’exécution de plusieurs semaines au sein de services opérationnels (production, accueil du public,… selon les équipes qu’ils seront amenés à gérer ou à diriger).
D’autres dispositifs de formation devraient également concerner les intervenants proposant des services d’évaluation, de conseil et de prévention des RPS dans l’entreprise (certification), ainsi que les médecins du travail, leurs collaborateurs, les infirmiers spécialisés en santé du travail, les professionnels des ressources humaines et les assistants de service social (module de détection, de traitement et de prévention des RPS).
Enfin, le rapport insiste sur le rôle de l’entreprise après un burn out et sur la nécessité d’améliorer la réinsertion professionnelle par l’accompagnement du retour au travail des victimes d’épuisement professionnel, si nécessaire par l’organisation de leur reclassement au sein de l’entreprise.

III. Reconnaître le burn out comme une maladie professionnelle

A. Renforcer la sécurité des professionnels de santé
Les mesures précédentes n’éradiqueront cependant pas les burn out de l’entreprise. Il est donc impératif que les pathologies liées à la souffrance au travail soient médicalement reconnues, ce qui ne pourra se faire sans aménager le fonctionnement de la santé au travail :
– Il semble impératif de permettre au médecin d’attester des pathologies constatées chez les salariés et du lien avéré avec leur activité professionnelle (de bonne foi et après une enquête clinique approfondie), sans risque de poursuite devant les juridictions ordonales, comme c’est aujourd’hui le cas ;
– de doter les infirmiers chargés de la surveillance de l’état de santé des salariés du statut de salarié protégé, afin de garantir leur indépendance au sein de l’entreprise.
B. Reconnaissance de la maladie professionnelle et autres pistes
Dans l’optique que le burn out soit reconnu comme une maladie professionnelle, le rapport évoque également le besoin de chiffrer le coût des pathologies liées au travail et actuellement supportées par l’assurance maladie.
Il propose également :
– Que le suivi par un psychologue clinicien à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle soit pris en charge par la branche AT-MP ;
– D’expérimenter, temporairement, un abaissement à 10% -contre 25% actuellement- voire la suppression du taux minimal d’incapacité permanente nécessaire à la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles.
C. Améliorer le suivi des dossiers
Enfin, il semble qu’une amélioration de ces situations ne pourra se faire sans une meilleure visibilité sur la procédure de traitement des dossiers de reconnaissance de maladie professionnelle. Il est donc préconisé :
– De renforcer la capacité du système actuel de traitement des demandes de reconnaissance de maladie professionnelle (en dédoublant les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles – CRRMP, en augmentant les moyens mis à leur disposition…) ;
– D’améliorer la transparence et la dimension contradictoire de la procédure d’instruction des dossiers par les caisses primaires et les CRRMP.
A l’issue des différentes auditions, le rapporteur a conclu qu’il n’était pas encore possible d’élaborer un tableau qui permettrait la prise en charge de l’épuisement professionnel dans les conditions de droits commun. Celui-ci ne pourra aboutir qu’une fois que l’épuisement professionnel et les conditions dans lesquels il est imputable à l’activité professionnelle auront été définis.